La tentation existe : réserver l’unique « tour de châteaux » tout compris, voir Saint-Émilion à heure de pointe, prendre la photo classique devant le miroir d’eau bordelais. Mais le Bordelais lève d’autres couleurs à qui sait bifurquer. Quelques idées concrètes pour arpenter autrement :
À vélo, du canal à la vigne
La région, vaste et doucement vallonnée, est cousue de pistes cyclables. La voie verte Roger Lapébie file de Bordeaux à Sauveterre-de-Guyenne sur près de 54 km, longeant fermes et petits vignobles où les rendez-vous s’improvisent. Plus au nord, la « Vélodyssée » frôle les boucles de la Garonne jusqu’au Verdon, en traversant la mosaïque de crus bourgeois méconnus. Louer un vélo permet d’improviser, de s’arrêter chez un jeune vigneron sans badge, ou pour pique-niquer entre deux alignements de cépages.
Les marchés et tables simples : goûter le vin comme un produit vivant
Le samedi matin, toute la région bruisse de marchés, de Cadillac à Créon, de Bourg à Lormont. On y découvre les deux autres produits phares du terroir – l’huître et l’agneau de Pauillac, ou encore les pruneaux du Lot-et-Garonne voisins – et l’accord qui se joue loin des salons de dégustation formatés : un blanc du château Bouillerot avec des bulots, un clairet de Quinsac sur une empanada du marché Saint-Michel.
Les « bars à vin locavores » foisonnent à Bordeaux et dans les bourgs, loin des adresses trop huilées. À Saint-Macaire, la Kermesse propose par exemple les crus du coin, servis à la pression, avec rarement plus de deux références. Le vin ici retrouve ses origines : humble, partagé, quotidien.
Rencontrer les vignerons “nature” et les initiatives collectives
Si Bordeaux incarne la tradition, il s’y lève une autre génération, parfois en rupture. 2023 marque un chiffre discret : plus de 600 domaines sont aujourd’hui engagés en bio (“AB” ou “HVE”), contre moins de 200 il y a dix ans (SudOuest.fr), même si cela reste minoritaire relativement aux 6 000 propriétés totales. Presque tous acceptent la visite sur rendez-vous, souvent sans frais ni chichi.
La SCIC « Les Vignerons de Tutiac » dans le Nord-Gironde ou la Cave des Vignerons de Sauveterre-de-Guyenne regroupent des dizaines de petits producteurs qui, ensemble, développent une démarche sincère : vinifications en levures indigènes, cépages oubliés (le castets, le béquignol noir…), cuvées solidaires. En poussant leur porte, on découvre des gestes, des récits, et souvent quelques bouteilles sans étiquette, promises à rester hors commerce.