Le fer servadou : le sang du Rouergue
Dans l’Aveyron et le Tarn, le fer servadou est comme une veine qui coule humblement sous la terre noire. On le croise dans l’appellation Marcillac, sur des pentes escarpées. Son nom – de “fer”, pour ses rameaux durs à l’effeuillage – témoigne d’un tempérament robuste. Il donne des vins rouges vifs, pleins de notes de poivre, de fruits rouges acidulés, parfois d’effluves végétaux dans la jeunesse. Au faîte du XIX siècle, il couvrait près de 43 000 hectares en France (Source : Institut Français de la Vigne), n’en subsistent aujourd’hui qu’environ 1 300. La relance de l’appellation Marcillac dans les années 1980, menée par quelques irréductibles (Jean-Luc Matha, Philippe Teulier), a permis à ce cépage de reparaître sur la carte des amateurs.
Le romorantin : l’âme blanche de la Sologne
Presque unique au monde, le romorantin, cépage blanc originaire de Bourgogne, n’a survécu qu’à travers une toute petite appellation : celle de Cour-Cheverny. François Ier en aurait ordonné la plantation à 80 kilomètres plus à l’ouest dès 1519. Le phylloxéra et la grande gelée de 1956 n’en ont laissé qu’à peine 60 hectares. Il donne des vins ciselés, alliant vivacité, arômes de pomme et de miel, voire de truffe avec le vieillissement. Le domaine des Huards (Michel Gendrier) travaille à sa pérennisation, conférant au romorantin un éclat placide, minéral, élégant, qui mérite bien plus d’attention que les standards du val de Loire.
Le tiburoun (ou tibouren) : le sel des terres varoises
Aussi discret que le souffle du ricin sur les calanques, le tibouren peine à dépasser 400 hectares, presque tous dans le Var. Son origine, incertaine (certains pensent à la Grèce ou à la Ligurie), n’éclipse pas la typicité de ses parfums : garrigue, olive, fruits rouges fraîchement cueillis, touche iodée. Il a failli disparaître dans les années 1980, victime de la course au rosé pâle. Les grands défenseurs du tibouren, comme le Clos Cibonne et Château de Roquefort, signent aujourd’hui certains des plus beaux rosés de gastronomie de Provence.
Le menu pineau : la mémoire secrète de la Loire
Descendant d’un antique patrimoine génétique partagé avec le chenin et le sauvignon, le menu pineau couvrait jadis 30% du vignoble d’Anjou. Il n’en subsiste aujourd’hui que 200 hectares. Petit frère oublié du cépage phare ligérien, il tend vers des vins légèrement perlants, tranchants, qui animent des blancs secs à la chair modérée, capable de révéler magnifiquement la minéralité des terroirs d’Anjou et de Touraine. Sa résistance au mildiou séduit de plus en plus de jeunes vignerons engagés dans l’agroécologie.
La négrette : le tempérament toulousain
Trouvant abri sur les terrasses de Fronton, la négrette fut autrefois cultivée jusqu’en Charente et Poitou. C’est un cépage capricieux : peau fine, fragilité face à la pourriture, grappes compactes. Mais lorsqu’on lui offre du sable et de l’attention, elle se donne généreusement, restituant des arômes de violette, de réglisse, de fruits sombres, une sorte de syrah méridionale. L’appellation Fronton la protège aujourd’hui, mais elle n’occupe que 1 000 à 1 500 hectares, contre 10 000 avant la guerre de 14-18 (source : Interprofession Fronton).
Le sciaccarello : la grâce corse à l’état pur
En Corse du Sud, le sciaccarello (dérivé de “sciacca”, écraser en corse) est la superstar méconnue derrière Ajaccio et Sartène. Sur moins de 800 hectares, il livre un vin clair, aérien, tout en épices douces, rose fraîche et poivre blanc, trouvant son équilibre entre souplesse et tension. Cela lui a valu, dès les années 1980, l’attention de pionniers comme Jean-Charles Abbatucci ou le domaine Comte Peraldi. Longtemps supplanté par le niellucciu (proche du Sangiovese), le sciaccarello revient, aussi, dans les blancs par le biais de mutations.
Éclats encore plus rares : mormentau, chauché noir, mondeuse blanche…
- La mondeuse blanche (Savoie) – sœur oubliée de la mondeuse noire, à peine 10 hectares. Elle donne des blancs rares, floraux et épicés.
- Le mormentau (Sud-Ouest) – gras, exubérant, aujourd’hui présent sur à peine 15 ha.
- Le chauché noir (Charente) – cultivé pour l’eau-de-vie autant que le vin, oublié puis réhabilité sous l’impulsion de projets agroforesterie.